Livre Blanc : Comprendre les formes de la pauvreté pour mieux cibler les bénéficiaires des programmes inclusifs

Notre objectif : lutter contre la pauvreté de manière plus efficace 

Dans ce Livre blanc, l’Action Tank, laboratoire d’innovation sociale réunissant entreprises, acteurs publics, associations et monde académique pour contribuer à la réduction de la pauvreté et de l’exclusion en France, partage son expertise avec la vocation d’inspirer les acteurs de la lutte contre l’exclusion et des politiques sociales en France, pour de meilleurs résultats. 

Comment lutter plus efficacement contre la pauvreté et quelles formes de pauvreté doit-on cibler ? Quel critère d’éligibilité est le plus pertinent afin de toucher les ménages pauvres ? Comment éviter le non-recours, phénomène massif constaté par les pouvoirs publics depuis de nombreuses années dans la distribution des prestations sociales ?

Cinq principes pour mieux cibler, limitant les effets excluants non-souhaités et la « maltraitance administrative »

L’Action Tank Entreprise et Pauvreté identifie cinq principes de la définition et la mise en œuvre de la stratégie de ciblage qui maximise l’impact des programmes inclusifs :

  • Commencer par définir le type de pauvreté ciblé et ses symptômes, pour en déduire un public cible
  • Choisir un ou plusieurs critères d’éligibilité selon les caractéristiques et le volume de la population totale qui répond à ces critères
  • Mettre en œuvre une vérification de l’éligibilité qui s’intègre bien aux réalités du travail des acteurs partenaires (type de contact avec le public, outils déjà utilisés…)
  • Anticiper tous les freins créés par la condition d’éligibilité
  • Créer des modalités de suivi des programmes qui permettent d’ajuster le critère d’éligibilité si nécessaire pour mieux toucher la cible.

 

Les besoins à couvrir restent grands (logement, assurance, alimentation) : il y a encore fort à faire pour réduire la pauvreté en développant de nouveaux programmes inclusifs aux critères larges et souples, pour bien toucher ceux pour qui ces programmes ont été conçus !

 

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#3 : Accentuation de la pauvreté en France et mesures exceptionnelles, le regard de l’Action Tank

29 avril 2020.

En France, les pauvres et les ménages fragiles sont plus durement touchés par les conséquences économiques et sociales de l’épidémie de COVID19.

Si l’impact moyen sur le pouvoir d’achat des ménages français est estimé à une perte d’environ 50 euros par semaine, soit 400 euros sur la totalité de la période de confinement, cette perte est bien plus élevée pour ceux dont l’activité s’est subitement réduite. Selon l’OFCE, 460 000 personnes vont se retrouver sans emploi à l’issue du confinement, dont 180 000 personnes en contrat court, et 288 000 personnes qui étaient en période d’essai. Une étude de la Fondation Jean Jaurès estime que 35% des actifs n’ont pas perçu l’intégralité de leur rémunération à la suite du confinement : 6% ne touchent plus aucun revenu et 29% ne touchent qu’une partie de leur revenu (activité désormais à temps partiel, chômage partiel ou technique). Les artisans et commerçants sont les plus touchés : deux tiers d’entre eux ont subi une baisse de leurs revenus à la suite du confinement. La baisse des revenus a aussi affecté fortement les ouvriers (48% des ouvriers touchés) et les employés (34%). Enfin, les personnes travaillant de façon non déclarées (travaux de ménages, babysitting…), voient également leurs revenus fortement réduits sans pouvoir bénéficier des systèmes de compensation tels que le chômage partiel.

Par ailleurs, des dépenses ont augmenté et pèsent davantage dans le budget des ménages, en particulier le budget alimentaire. C’est le cas, largement médiatisé, des familles pauvres qui bénéficiaient de tarifications sociales dans les cantines scolaires et qui, face au triplement du budget nourriture, se voient contraintes de faire appel aux aides alimentaires, comme en atteste Jean Vercoutere, délégué du Secours catholique à Marseille : « On voit des gens nous solliciter pour avoir de la nourriture alors qu’ils ne le faisaient pas habituellement ».

D’autres dépenses sont restées stables, comme le coût du logement, mais génèrent un « effet ciseaux » avec la baisse des ressources. Une étude de l’IRES estime qu’environ 2,5 à 2,8 millions de ménages d’actifs, soit 6 à 7 millions de personnes, sont ainsi durement frappés par la récession actuelle, confrontés à des versements de loyers ou mensualités de remboursement stables, des ressources en baisse, et une capacité d’épargne négative ou nulle : il s’agit majoritairement de locataires (68%) ou accédants (32%), avec des revenus intermédiaires (50%) ou bas (40%)[1]. La crise actuelle affecte plus fortement ceux qui sont les moins bien logés, dans des logements trop petits ou insalubres, ou mal équipés, y compris en matériel numérique pour poursuivre l’apprentissage des enfants à distance.

En réaction d’urgence face à la crise sociale, des dispositifs exceptionnels des pouvoirs publics, des associations et des entreprises ont été mis en place. En particulier, le gouvernement a annoncé le versement d’une aide exceptionnelle aux bénéficiaires du RSA et aux familles les plus modestes avec des enfants.

L’aide est de 150 euros par ménage au RSA, plus 100 euros par enfant, ainsi que 100 euros pour les ménages bénéficiaires d’aides au logement. Celle-ci s’ajoute à une aide mobilisable par les CAF à titre exceptionnel pour les familles les plus en difficulté.  La CAF a prolongé automatiquement ses prestations sociales et minima sociaux, pour éviter les ruptures de droit. Par ailleurs, des collectivités locales ont mis en place des aides d’urgence en direction des ménages bénéficiaires des tarifications sociales des cantines, telles que les villes de Paris, Marseille, ou Brest.

Les bailleurs sociaux se sont également mobilisés afin de proposer un accompagnement et un rééchelonnement des loyers aux ménages confrontés à une baisse soudaine de leurs revenus, afin de limiter l’effet « ciseaux », qui reste toutefois irrésolu dans le logement privé. Les entreprises, via leurs fondations et dotations exceptionnelles, ont quant à elles participé au financement de nombreuses actions de solidarité envers les plus vulnérables.

Ces aides exceptionnelles, nécessaires, viennent compléter le système de protection sociale français qui devrait permettre de mieux amortir la crise que dans des pays moins redistributifs. La réduction de la pauvreté monétaire en France grâce aux transferts sociaux et fiscaux fait partie des plus importantes en Europe avec la Finlande, le Danemark, la Suède : ainsi, le taux de pauvreté monétaire (seuil à 60%) s’établit à 13,3 % de la population mais il serait de 24,1 % sans l’existence des transferts sociaux et fiscaux.

Mais ces aides font face à des écueils, au regard des populations fragilisées par la crise : l’expérience de l’Action Tank en matière de lutte contre la pauvreté permet d’identifier trois problématiques majeures, dont dépend l’efficacité des mesures structurelles et conjoncturelles destinées à lutter contre un risque de paupérisation des ménages dans la durée.

  • Les aides exceptionnelles aux bénéficiaires du RSA excluent partie des bénéficiaires potentiels.

Les aides annoncées en France ciblent les familles avec enfants et les allocataires du RSA. Cependant, il est connu que le taux de non-recours au RSA est très important, de l’ordre de 35% des ménages éligibles selon la CNAF en 2012 et 40% selon le Secours Catholique en 2016. Même si on peut estimer que la crise sociale actuelle pourrait occasionner une diminution de ce taux de non-recours, à court terme, cela signifie qu’une part significative des ménages qui auraient légitimement besoin de ces aides complémentaires ne pourront malheureusement pas en bénéficier. Le fait de faire reposer la distribution des aides exceptionnelles sur un autre critère – moins sujet au non-recours – tel que le revenu fiscal de référence, par exemple, permettrait de toucher les ménages cibles de façon plus exhaustive. Néanmoins, le revenu fiscal de référence que l’on a à disposition actuellement est celui de 2018, soit près de 2 ans d’écart temporel avec la situation actuelle.

Comme le souligne le collectif d’associations Alerte, d’autres ménages non-éligibles au RSA sont fortement touchées par la crise sanitaire : c’est le cas les « personnes âgées bénéficiaires de l’ASPA (minimum vieillesse) […], tout comme les bénéficiaires de l’AAH, qui vivent majoritairement seuls et sont souvent dans des situations d’isolement ainsi que l’ensemble des jeunes précaires de moins de 25 ans, étudiants ou non, qui ne peuvent pas bénéficier du RSA ».

  • D’autres aides exceptionnelles sont susceptibles de générer du non-recours.

En plus de l’aide automatique à destination des familles avec enfants, des aides exceptionnelles ont été mises en place par les CAF pour les familles les plus en difficulté. Pour en bénéficier, les ménages doivent contacter les travailleurs sociaux de la CAF. On peut souligner le travail réalisé par la CAF ces dernières années pour réduire la non-information et la non-demande (les deux principaux motifs de non-recours aux prestations sociales[2]) soit via des systèmes de datamining[3] ou des rendez-vous des droits, sollicités par les équipes des CAF[4]. Par expérience, on sait qu’une part significative des ménages avec des besoins ne prendront pas contact avec la CAF, comme l’illustrent les nombreux exemples remontés par des associations qui touchent des publics dits « invisibles ». Cela souligne la nécessité de développer des méthodes de détection des besoins plus pro-actives (communication directe aux ménages), de développer l’automaticité du versement des aides en favorisant les communications de données entre institutions publiques (CAF, Centre des finances publiques…), et de s’appuyer sur des réseaux de prescripteurs sociaux locaux.

  • La crise sociale va générer une fragilisation des ménages modestes, non éligibles aux aides exceptionnelles déployées.

Selon toute vraisemblance, la crise sociale va générer un appauvrissement des populations les plus pauvres, mais également des ménages modestes, non éligibles à ces aides exceptionnelles.

Sont ainsi exclus des dispositifs d’aides exceptionnelles les ménages qui ne sont pas pauvres selon le niveau de revenus disponibles (14% de la population), mais selon le revenu arbitrable (23% de la population)[5]. Ce sont typiquement des ménages avec des revenus modestes, mais avec des dépenses contraintes élevées. L’IRES estime qu’environ la moitié des ménages à bas-revenus faisant face à des dépenses fixes de logement, tout en ayant subi une baisse plus ou moins brutale de leurs revenus à la suite du confinement, ne sont pas concernés par les mesures gouvernementales et présentent donc un risque de basculement dans la pauvreté.

La crise actuelle va également générer des changements de situations individuelles rapides des ménages. Or, une partie des droits sociaux tels que des aides sociales distribuées par les conseils départementaux ou les CCAS, ou encore l’accès au parc de logements sociaux, reposent sur des critères d’éligibilité tels que les niveaux de revenus du ménage en année n-2. Des personnes seront donc exclues de certaines aides, étant donnés les critères d’éligibilité, ce qui plaide pour une plus grande adaptation des critères à l’évolution des situations voire une automatisation dans le versement des aides.

  • Les dimensions non-monétaires de la paupérisation doivent aussi être adressées.

La reprise de l’activité économique repose également sur l’appui aux métiers et aux secteurs essentiels, mis en exergue par le confinement, et sur l’appui au retour à l’emploi durable afin de retrouver une stabilité de revenus sur le long terme. Si l’aide à la formation du Fonds National de l’Emploi a été renforcée en élargissant le périmètre des entreprises et des formations éligibles dans le cadre de la crise COVID19, celle-ci vise à soutenir la formation des actifs en emploi et donc leur maintien en emploi, mais ce sont aujourd’hui les besoins de retour en emploi qui inquiètent fortement. La mobilisation du secteur privé, et notamment des grandes entreprises, à travers leurs engagements en matière d’emploi dont l’apprentissage, doit se poursuivre, dont des initiatives plus pro-actives, comme la démarche Courte Echelle lancé par Air Liquide avec l’Action Tank pour former et recruter sur un métier structurellement en tension dans son écosystème[6].

 

Depuis 2011, l’Action Tank Entreprise et Pauvreté développe, en partenariat avec des grandes entreprises, des programmes visant à réduire les dépenses incompressibles des ménages en situation de pauvreté. Les ménages précaires qui bénéficient de ces actions peuvent acheter des produits et services essentiels (logement, alimentation infantile, mobilité, télécommunications…), avec des remises substantielles car tout ou partie des acteurs de la chaîne de valeur s’impliquent pour faire émerger de nouveaux modèles économiques. Les critères d’éligibilité utilisés sont à la fois larges et souples, ce qui permet à ces programmes d’adresser un halo de ménages qui dépasse les ménages bénéficiaires des minimas sociaux (cible privilégiée de l’action publique). Ces programmes inclusifs confirment donc leur complémentarité avec les outils plus classiques de lutte contre la pauvreté, comme le reconnaissait en 2018 la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté. Ils sont aussi un moyen d’inscrire l’engagement des entreprises dans la durée en faveur d’une économie plus inclusive, en améliorant la soutenabilité des dépenses essentielles des ménages, et proposant des biens et des services plus adéquats aux situations financières, d’emploi et de vie des ménages plus fragiles.

Face aux besoins grandissants en perspective, il y a urgence à accélérer le déploiement de ces programmes et de ces offres inclusives sur le territoire national et renforcer leur prescription notamment par des partenaires publics.

 

 

[1] Cette estimation ne prend pas en compte les étudiants ou les publics invisibles des statistiques (sans-domicile notamment).

[2] Voir travaux de l’Odenore, qui lance une consultation pour mesurer l’impact de la crise actuelle sur le taux de recours aux aides.

[3] Croisement de bases de données pour identifier des ménages probablement éligibles et en situation de non-recours

[4] Ces rendez-vous ont permis d’augmenter de 30% la probabilité des ménages de bénéficier d’un nouveau droit dans les 6 mois

[5] Depuis 2008, l’Insee calcule le revenu arbitrable, défini comme ce qu’il reste du revenu disponible une fois déduites les dépenses pré-engagées, c’est-à-dire les dépenses revêtant un caractère contractuel difficilement renégociable à court terme car encadrées dans un contrat ou un abonnement, survenant à échéances régulières et d’un montant fixe. Il s’agit par exemple des loyers, de l’assurance, ou encore des abonnements de télécommunications.

[6] Pour plus d’informations sur ce programme : https://actiontank.org/projet/acces-emploi/

 

Sources :

  • Confinement, récession et baisse des revenus : Quel impact des charges fixes de logement sur les contraintes budgétaires des ménages ? P. Concialdi, IRES, avril 2020
  • Covid-19 : 500 millions de personnes menacées de pauvreté dans le monde, Grégoire Normand, La Tribune, 9 avril 2020
  • L’économie souterraine représente 12% du PIB français, Grégoire Normand, La Tribune, 27 février 2019
  • Dans les quartiers populaires, « si on remplit le frigo, on chope le corona », Louise Couvelaire, Le Monde, 18 avril 2020
  • Les bonnes volontés sont nombreuses : comment l’aide aux plus démunis se réorganise, Isabelle Rey-Lefebvre et Julia Pascual, Le Monde, 24 mars 2020
  • Olivier Klein : « Tous les jours, dans les quartiers, on frôle le point de rupture », Propos recueillis par Louise Couvelaire, Le Monde, 21 avril 2020
  • Coronavirus : déjà 11 milliards de pertes de revenus pour les ménages en France, Béatrice Madeline, Le Monde, 21 avril 2020
  • Coronavirus. Les demandes d’aide des étudiants explosent dans les Pays de la Loire, Vanessa Ripoche, Ouest France, 2 avril 2020
  • Lettre ouverte au Premier Ministre, collectif Alerte, avril 2020 : http://expertise.uniopss.asso.fr/resources/trco/pdfs/2020/D_avril_2020/Lettre_ouverte_Premier_Ministre_collectif_ALERTE.pdf
  • Les familles en difficulté peuvent « demander à leur CAF une aide supplémentaire » en plus de l’aide de solidarité, indique Christelle Dubos, Jean-François Achili, 15 avril 2020, France Info
  • Personne ne sait dans quelles conditions je vis, Fondation Abbé Pierre, 22 avril 2020

#2 / Repenser nos programmes existants pour tenir compte de l’impact de la crise

17 avril 2020.

Les situations de pauvreté et de fragilités sont au cœur de la mission de l’Action Tank depuis bientôt 10 ans. La crise sanitaire actuelle et ses conséquences économiques révèlent, mais exacerbent également des fragilisations parmi des publics ciblés par nos programmes (demandeurs d’emploi, familles avec jeunes enfants, sans-abris…). Tous nos programmes et projets en développement sont ainsi réinterrogés.

Comment tenir compte de l’impact de la crise sur les ménages fragiles et repenser nos programmes en conséquence ?

 

1) Renforcer la communication sur les programmes qui peuvent apporter une aide immédiate aux publics cibles, afin d’atteindre autant de ménages éligibles que possible.

La fermeture des écoles et l’objectif de continuité pédagogique ont mis en lumière le manque d’équipement et de capacité d’utilisation des outils numériques à la maison pour beaucoup de familles, en particulier les familles pauvres.  L’offre Coup de Pouce Livebox d’Orange, accompagnée par l’Action Tank depuis janvier 2019, et qui propose une offre d’internet à domicile et un ordinateur portable reconditionné pour les familles modestes, voit sa raison d’être renforcée. Les Directions Régionales Orange et les équipes terrains ont ainsi été mobilisées pour accélérer le déploiement au regard de l’urgence des besoins constatés. Il apparaît également nécessaire de favoriser la diffusion du programme dans le milieu éducatif : des prises de contact avec les recteurs d’académie sont en cours.

C’est aussi l’accélération de la prescription auprès des familles qui est visée par le programme Malin (accès à une alimentation infantile de qualité), en envisageant aujourd’hui une mobilisation accrue de la CNAF et des CAF partenaires. Cet objectif viendra compléter l’action de court terme déjà engagée pour recruter des familles, s’appuyant sur l’adaptation du contenu de conseils à la période de confinement (activité des jeunes enfants, accompagnement au développement du fait-maison…).

 

2) Prévenir les effets de la crise sur les bénéficiaires des programmes (baisse de ressources, évolution de la situation d’emploi, isolement…), en adaptant les offres.

Le Club Mobilité, offre de location de véhicule avec option d’achat (LOA) dédiée aux demandeurs d’emploi et travailleurs indépendants précaires, pourrait faire face à une problématique de solvabilité parmi ses bénéficiaires, tenus de s’acquitter de mensualités de paiement. Une flexibilisation de l’offre pourrait être envisagée : blocage temporaire des mensualités, retour du véhicule anticipé, etc. La discussion entre partenaires du Club Mobilité démarre pour étudier les réponses possibles à l’évolution de la situation des bénéficiaires.

 

3) Interroger les modalités de prescription et de souscription des programmes pour les rendre accessibles à des publics qui font face à des situations de rupture.

La situation actuelle se traduit pour certains ménages par des baisses brutales de ressources. C’est le cas des publics intérimaires, des saisonniers, des CDD non-renouvelés dont l’activité s’est subitement réduite ; c’est aussi le cas des publics bénéficiant de l’aide sociale, plus difficiles à atteindre dans un contexte de confinement et de manque d’équipements ou de ressources humaines pour poursuivre les opérations. Des dépenses ont également augmenté et pèsent davantage dans le budget des ménages, comme l’illustre le cas largement médiatisé des dépenses alimentaires en augmentation pour pallier l’absence de cantine scolaire, chez les familles pauvres.

–> Comment repérer les publics en situation de rupture ? Une première piste consiste ainsi à renforcer le repérage des publics fragiles par les bailleurs sociaux partenaires de l’Action Tank : Finistère Habitat, Seine-Saint-Denis Habitat, et à porter plus largement cette démarche de repérage auprès d’autres bailleurs et collectivités, sur la base des expérimentations et des enseignements formulés avec les partenaires actuels.

–> Comment faire évoluer les critères d’éligibilité ? Plusieurs programmes de l’Action Tank reposent sur une éligibilité évaluée selon le quotient familial, le revenu fiscal de référence ou la qualité de locataire du logement social des ménages. Ces trois indicateurs ne prennent pas en compte aujourd’hui les changements de vie brutaux. Peut-on alors imaginer pour les programmes une modalité de souscription alternative qui prendrait compte de l’évolution récente des conditions de vie et du niveau de ressources ? Cette question est actuellement traitée à l’échelle de chaque programme.

–> Quels nouveaux acteurs pourraient être impliqués ? Par exemple pourrait-on s’appuyer sur les banques, aux premières loges pour constater les chutes de ressources de leurs clients ? C’est un levier que l’Action Tank propose d’actionner dans le cadre de son travail auprès des banques du Collectif d’entreprises pour une économie plus inclusive[1] : développer la prescription (par l’information, a minima) d’offres inclusives par les banques auprès de leurs clients fragiles, mais aussi renforcer la prévention du non-recours aux aides sociales. Les modalités d’expérimentation doivent être discutées dans les semaines à venir.

 

La semaine prochaine, nous faisons le point sur les effets de précarisation déjà constatés ou attendus face à la crise Covid19, et sur les pistes de l’Action Tank pour apporter une réponse en lien avec notre mission de développement de programmes innovants de lutte contre la pauvreté.

[1] https://www.usinenouvelle.com/editorial/emmanuel-faber-et-thomas-buberl-sont-ils-les-nouveaux-parrains-d-un-capitalisme-francais-inclusif.N929069

Rapport d’activité 2019

L’Action Tank publie chaque année son rapport d’activité, détaillant les évolutions et les résultats de ses programmes, le développement de son réseau de partenaires, les événements annuels et ses grands axes de travail.

1 fichier à télécharger :Action Tank E&P-Rapport d’activité 2019-web

#1 / Quelles actions lancées au sein de notre écosystème en réponse à l’urgence Covid19 ?

10 avril 2020.

Comme partout, les activités de nos partenaires dont les programmes conduits avec l’Action Tank ont été chamboulées. Mais en 3 semaines, de nouvelles initiatives et de nouveaux axes de travail ont rapidement été lancés et se déploient aujourd’hui pour participer à l’effort de solidarité nationale, et mobiliser les ressources pour répondre aux situations et besoin d’urgence.

1/ Nos entreprises membres s’engagent, en France et dans le monde.

Dons, production d’équipements, protection des clients et salariés fragiles, nos entreprises membres se sont engagées sous diverses modalités :

  • Initiatives de dons de matériel et dons financiers aux projets caritatifs, de recherche et au personnel soignant :
    • Orange s’engage dans la Réserve Numérique et fait don d’outils numériques aux EHPAD et hôpitaux, et affecte 150 000€ à un Fonds d’urgence
    • Renault a répondu aux besoins du personnel de l’AP-HP avec des prêts de véhicules
    • La Fondation Total soutient l’Institut Pasteur à hauteur de 5M€
    • Total distribue des bons de carburant au personnel soignant des hôpitaux
  • Initiatives de production de biens de première nécessité : deux initiatives majeures pour renforcer l’équipement des hôpitaux en respirateurs sont co-portés par deux partenaires de l’Action Tank
    • Renault assure la fabrication de pièces en série pour fournir de nouveaux respirateurs, en partenariat avec le CEA
    • Air Liquide, en consortium avec Schneider Electric et Valéo, mobilise son site d’Antony pour conduire une opération « coup de poing » pour la fabrication de respirateurs
  • Initiatives visant à limiter l’impact de la crise pour les clients :
    • La Banque Postale assouplit ses règles de découverts et de versements pour accompagner ses clients fragilisés par la crise, et assure le versement anticipé des prestations sociales
  • Initiatives visant à limiter l’impact de la crise pour les salariés et l’écosystème de fournisseurs :
    • La direction de Veolia divise par 2 les dividendes de l’entreprise pour réaffecter les montants au versement de primes pour ses salariés actifs sur le terrain
    • Sodexo monte un fonds de solidarité avec l’abandon et le versement des rémunérations hors salaires du COMEX, et le versement de 50% des salaires des dirigeants, d’un montant équivalent à 30M€. Ces fonds seront redirigés vers les salariés fragiles de Sodexo dans les pays où la protection sociale est faible
    • Danone verse une prime à tous ses salariés qui restent mobilisés sur le terrain et a débloqué 250M€ pour soutenir les petites entreprises partenaires et fournisseurs
    • Veolia soutient également son réseau de waste pickers en Inde à travers des aides financières et des dons alimentaires.

L’ensemble des partenaires cherche également à mettre en relation les volontaires des entreprises avec les besoins des associations pour aider à formuler une réponse à l’urgence de la crise. Total utilise sa plateforme de mécénat de compétences pour mettre en lien ses collaborateurs disponibles avec les associations déjà soutenues, mais aussi de nouveaux projets.

2/ Certains de nos membres se sont également mobilisés autour d’un collectif plus large d’entreprises pour répondre plus particulièrement aux besoins des soignants.

Le Collectif d’entreprises pour une économie plus inclusive lancé par une tribune en décembre 2018 et réunissant aujourd’hui 35 entreprises – dont plusieurs entreprises membres de l’Action Tank, à l’initiative de Thomas Buberl (AXA) et Emmanuel Faber (Danone), et initialement fédéré autour d’engagements pour l’emploi et la formation et pour l’amélioration de l’accès aux biens et services pour les ménages précaires, a également formulé une première réponse commune à la crise le 7 avril, sous 2 volets :

  • L’initiative « #GardonsLeLien » qui achemine vers les hôpitaux, EHPAD et structures sanitaires et sociales des milliers de tablettes numériques pour assurer la connexion entre les malades atteints du Covid-19 et leurs proches – cette initiative est déployée par la Simplon Foundation et s’appuie sur de nombreux soutiens :
    • ACER, ASUS, CDiscount, FNAC-Darty, HP, Intel, Lenovo pour le matériel
    • Orange pour la connexion 4G
    • Arès, ATF, la fédération du réemploi et de la réparation Rcube et Recommerce
    • la Fondation de France
    • Microsoft France
  • L’initiative « LaVoixDeNosSoignants », plateforme digitale lancée par le Collectif et dessinée et développée gratuitement par OnePoint.

Le Collectif bénéficie de la participation du directeur de l’Action Tank Entreprise & Pauvreté, Jacques Berger, pour aider à la coordination des actions et des échanges entre entreprises.

3/ L’action de l’Action Tank aussi s’adapte pour répondre aux besoins essentiels et urgents des populations fragiles ciblées par nos programmes.

La crise touche de plein fouet des publics auxquels l’Action Tank s’adresse aujourd’hui à travers différents programmes : sans-abris, seniors, familles, demandeurs d’emploi ; et la situation nous demande une adaptation rapide pour accompagner nos partenaires dans leurs activités, en repensant notre rôle de « connecteur » au sein de notre écosystème.

En premier lieu, l’Action Tank a pris contact avec ses partenaires et organismes proches de son écosystème, dont : l’AP-HP, l’ADMR, Korian, le Conseil Départemental de la Seine-Saint-Denis (CD93), la DIHAL, afin de recenser les besoins et de les partager avec les entreprises et porteurs de projets qui pourraient apporter une réponse. Le manque d’équipements de protection individuelle est critique parmi le personnel de l’aide médicale et sociale, ainsi que l’ont indiqué le CD93 et l’ADMR. Le besoin d’aide alimentaire pour tous les publics en situation de précarité et de lutte contre l’isolement, aussi bien des seniors que des sans-abris, sont aussi deux constats partagés.

C’est notamment sur la base de ces besoins que l’Action Tank a initié plusieurs actions auprès de ses partenaires dans les dernières semaines.

  • Afin de faciliter la circulation de l’information et partager les bonnes pratiques pour répondre aux besoins des seniors fragiles, l’Action Tank a réuni le CD93 et plusieurs bailleurs sociaux de Seine-Saint-Denis, autour d’un document partagé en ligne, répertoriant les principales actions déjà mises en place (appel des seniors isolés de plus de 70 ans, initiatives d’entraide entre voisins…)
  • Un point régulier d’échange a été monté avec le bailleur social Finistère Habitat, avec qui l’Action Tank expérimente une nouvelle démarche d’accompagnement des seniors à domicile depuis 2017, afin de mettre en place un dispositif d’accompagnement des locataires les plus fragiles et des actions de solidarité
  • Pour donner suite aux besoins exprimés en matière d’aide alimentaire d’urgence, l’Action Tank a mis en relation le CD93 avec son partenaire Sodexo, en vue d’un possible soutien dans les zones de fort besoin
  • Etant donné la situation d’urgence sanitaire et sociale pour tous les publics sans-abris notamment à Paris, l’Action Tank a réuni un groupe de travail autour de la DIHAL avec la participation de Sodexo, Bouygues Bâtiment Ile-de-France et Veolia. Plusieurs pistes de solutions ont été lancées pour évaluation de faisabilité rapide :
    • Réouverture de cuisines d’entreprises ou cuisines scolaires, à coordonner avec les besoins des départements en termes d’aide alimentaire
    • Raccordements de nouveaux sites en eau potable
    • Mise à disposition des équipements d’hygiène des chantiers de construction à l’arrêt
    • Extension des initiatives de dons de matériel numérique et de solutions de connectivité aux collectivités des territoires à forts taux de pauvreté.

La crise sanitaire et sociale actuelle pose un défi inédit à notre structure, et nous réinventons au jour le jour notre mission et nos relations avec nos différents partenaires pour construire des réponses à l’urgence, mais aussi pour adapter et accélérer les programmes de lutte contre la pauvreté que nous développons depuis plusieurs années.

La semaine prochaine, nous vous détaillerons l’impact de la crise actuelle sur l’ajustement de nos programmes, nécessaire aujourd’hui pour tenir compte des fragilisations en cours.

Article 2020 – L’écosystème et la mission de l’Action Tank mobilisés dans un contexte de crise inédit

 

La solidarité face aux conséquences de la crise sanitaire s’organise en urgence y compris au sein de l’écosystème de l’Action Tank : entreprises, associations, collectivités, bailleurs sociaux répondent à l’appel à la mobilisation.

L’Action Tank lance une série d’articles pour mettre en lumière les actions qui ont été lancées par notre écosystème en réponse à l’urgence et les évolutions engagées dans plusieurs des programmes de l’Action Tank, mais aussi pour interroger la place de notre mission en faveur des publics pauvres dans un contexte de fortes incertitudes économiques et de risques de fragilisation.

Toute l’équipe de l’Action Tank vous souhaite de rester en bonne santé, et se tient disponible pour discuter avec vous de vos problématiques, de vos idées et de vos besoins d’accompagnement pour innover dans la lutte contre la pauvreté : contact@at-entreprise-pauvrete.org

Bonne lecture.

Revue de presse 2020

Article 2020 – Premiers résultats du Collectif d’entreprises

Etude 2019 – Livre « Agir contre le non-recours aux droits sociaux »

L’Action Tank a contribué au livre « Agir contre le non-recours aux droits sociaux » dirigé par Philippe Warin, avec un chapitre intitulé « Accéder aux biens et services essentiels : les offres de « social business ».

L’ouvrage est paru en octobre 2019 aux éditions PUG.

 

Pour en savoir plus : https://www.pug.fr/produit/1700/9782706143991/agir-contre-le-non-recours-aux-droits-sociaux

Article 2019 – De nouvelles entreprises rejoignent le Collectif